Traversée Centrale des Pyrénées (TCP) – Euro 21

 
1 – La Traversée Centrale des Pyrénées (TCP) en connexion avec l’Euro 21
Le massif pyrénéen est l’une des dernières frontières intérieures de l’Europe, rendant difficile les échanges entre le Sud et le Nord de l’Europe d’une part, entre le Nord de l’Espagne et le Sud Ouest de la France d’autre part.
 

A. Les connexions transfrontalières : un vecteur de cohésion et de développement des régions transfrontalières d’Europe

Le transport dans les zones frontalières constitue aujourd’hui l’une des principales préoccupations des régions transfrontalières de l’Union européenne. Ces régions ont une fonction majeure en tant que ponts essentiels pour l’intégration européenne. Mais beaucoup de ces espaces ont souffert et souffrent encore de problèmes de connexions par leur situation périphérique, due au manque d’infrastructures routières ou ferroviaires adéquates. Seule l’élimination des barrières physiques, économiques, sociales, culturelles, de trafic, légales ; et leur intégration en Europe comme une unité dans la diversité, pourront permettre aux régions transfrontalières d’acquérir une position centrale favorable au sein de l’Union européenne.
Les connexions transfrontalières sont nécessaires, car se sont les liaisons qui donnent une « valeur ajoutée européenne » plus importante aux corridors. Ces connexions constituent également les points les plus compliqués dans la conclusion des accords sur leur mise en marche. Les gouvernements nationaux les considèrent comme la fin d’un corridor, et par conséquent comme des tronçons moins importants. C’est alors l’Europe qui doit garantir qu’ils ne soient pas un point final, mais de véritables passerelles qui assurent la continuité du réseau.
A travers une vision d’aménagement équilibré du territoire, la Traversée Centrale des Pyrénées constitue un élément fondamental pour connecter les régions frontalières des Pyrénées, dont font partie Midi-Pyrénées et l’Aragon, mais pas uniquement. En effet, malgré certains discours penchant dans ce sens, à savoir que la Traversée Centrale des Pyrénées est une infrastructure uniquement destinée à l’usage des régions frontalières des Pyrénées, il est nécessaire d’expliquer que la Traversée Centrale des Pyrénées a également une vocation plus large, a savoir la connexion franco-espagnole. Elle constitue également un projet pour l’ensemble de l’Europe, de la Méditerranée et du Maghreb. Elle s’inscrit alors dans la perspective de création et de renforcement d’un marché de près de 800 millions d’habitants.
Concernant la gouvernance du projet, il doit exister une coopération générale et « intelligente » de toutes les institutions et de l’ensemble des acteurs concernés. Il n’est pas ici question de raisonner uniquement sur la réalisation de l’infrastructure en elle-même, mais d’essayer de percevoir en quoi la Traversée Centrale des Pyrénées fait partie intégrante d’un « réseau de transport européen global et multimodall » qui doit être pensé en termes d’aménagement équilibré et durable du territoire, de connexions avec les points d’intermodalités que constituent les ports, les aéroports, les plateformes logistiques […].
A travers ces éléments, les services et fonctionnalités de la Traversée Centrale des Pyrénées doivent être envisagés dès à présent de manière concrète, tout comme l’intégration du projet au sein des différentes politiques menées par les collectivités territoriales.
Ainsi, si la Traversée Centrale des Pyrénées peut permettre aux territoires situés au centre des Pyrénées de ne pas être dépendant des espaces localisés aux deux extrémités de la chaine, elle peut également servir ces derniers dans la mesure où les 3 axes ferroviaires majeurs qui devraient traverser les Pyrénées (deux axes côtiers et la TCP) seront vraisemblablement complémentaires plus que concurrents. Sans revenir sur les incertitudes liées aux flux de voyageurs et de marchandises à travers les Pyrénées, au développement des véhicules propres, du ferroutage et du fret ferroviaire, aux diverses questions qui pèsent sur l’avenir énergétique, il parait toutefois raisonnable d’affirmer que la Traversée Centrale des Pyrénées permettra aux divers territoires frontaliers, où qu’ils se trouvent le long de la chaîne des Pyrénées, de pouvoir échanger et développer leurs relations de manière plus efficace à partir de la logique d’un réseau de transport dense et efficace offrant plusieurs opportunités de passage. Cette approche fait écho à l’idée de cohésion territoriale de l’ensemble des régions pyrénéennes qui pourraient dès lors avoir un poids plus important dans la compétitivité des territoires à l’échelle continentale.
 

B. Les Pyrénées : un milieu naturel contraignant

La chaîne pyrénéenne s’étend de la Méditerranée à l’Atlantique sur l’isthme qui relie la péninsule ibérique au reste de l’Europe sur une longueur de 430kms. Si le milieu pyrénéen est perçu comme un milieu particulier unique, notamment concernant ses diverses identités et la richesse de son patrimoine naturel, il n’en demeure pas moins un obstacle majeur au développement économique et à la coopération entre les régions situées de part et d’autre de la chaîne. En apportant les moyens de communication nécessaires, les différentes entités institutionnelles et économiques concernées par le franchissement de la chaîne entendent étendre leurs relations et promouvoir des projets d’intérêt commun, ou du moins complémentaires.
Néanmoins, la tache s’avère délicate, tant les Pyrénées, à l’exception des corridors Atlantique et Méditerranéen, sont aujourd’hui hermétiques sur une distance de près de 500 kilomètres. Cette situation tranche avec le cas du massif alpin qui dispose de moyens de communications bien plus importants, entre autre grâce à de larges vallées (la tarentaise, la Maurienne…) qui constituent des centres névralgiques des échanges transalpins.
Ainsi, bien moins hautes que les Alpes, où quinze sommets dépassent les 4000 mètres d’altitude, les Pyrénées qui disposent seulement d’une dizaine de sommets supérieurs à 3000 mètres n’en constituent pas moins une barrière naturelle importante entre la France et l’Espagne, et à une échelle plus large, entre la péninsule ibérique et l’Europe.
L’effet de barrière dû à l’altitude et à l’étalement de la chaîne du Pays-Basque aux Albères est renforcé par son caractère massif. En effet, contrairement aux Alpes, les Pyrénées sont une chaîne n’ayant connu qu’une faible érosion et disposant de vallées étroites, profondes et très peu perméables.
 
1. Perméabiliser les Pyrénées
Malgré cette situation de « blocage », des échanges ont existé de tout temps au travers des Pyrénées. Celles-ci ont vu passer des légions romaines, des Maures venant d’Espagne, des troupes napoléoniennes, des exploitants de minerai, des réfugiés de toutes sortes, et bien sûr tous les métiers de l’économie pastorale et agricole locale. Aux sentiers muletiers franchissant les « ports » (cols pyrénéens) sont venus s’ajouter au début du 20ème siècle les premiers tunnels transfrontaliers, d’abord ferroviaires: tunnel du Puymorens ouvert en 1921, puis du Somport en 1928 (fermé aujourd’hui) ; puis routiers : Vielha (1948) Aragnouet-Bielsa (1976) Cadi (1984) Puymorens (1997) Envalira (2002) et Somport (2003). Aujourd’hui, aucun de ces accès ne peut offrir des conditions modernes (en termes de rapidité et de sécurité) de circulation sur les 500 km de long de la chaîne pyrénéenne. A titre de comparaison, l’arc alpin compte un passage autoroutier ou ferroviaire moderne en moyenne chaque 50 km. La Traversée Centrale des Pyrénées contribuerait donc à faciliter les échanges transpyrénéens en utilisant un mode respectueux de l’environnement.
 
2. Les Régions riveraines des Pyrénées en pleine expansion démographique
Politiquement, les Pyrénées se trouvent à la charnière de trois Etats : la France, l’Espagne et l’Andorre, les deux premiers appartenant à l’Union européenne.
Concernant les collectivités territoriales, trois Régions françaises sont riveraines des Pyrénées, à savoir l’Aquitaine, Midi-Pyrénées et le Languedoc Roussillon. Côté espagnol, quatre Communautés Autonomes bordent la chaîne : Le Pays-Basque espagnol (Euskadi), la Navarre, l’Aragon et la Catalogne.
Avec des densités inférieures à la moyenne nationale, les trois Régions françaises représentent 21% du territoire national métropolitain, mais ne regroupent que 13,7% de la population, avec des densités faibles variant entre 61 habitants/km2 pour Midi-Pyrénées et 93 habitants/km2 pour le Languedoc-Roussillon. Depuis une trentaine d’année elles connaissent cependant une forte croissance démographique, essentiellement liée à leur solde migratoire : entre 1999 et 2006, elles ont ainsi gagné 675 000 habitants (dont 55 000 seulement de l’excédent naturel), soit 23% des gains de population observés pour l’ensemble de la France métropolitaine. Les taux de croissance de la population sur la même période se situent entre 7,3% et 10,4% ce qui est nettement supérieur à la moyenne nationale (4,9%). Ainsi, ces régions se classent aux trois premiers rangs nationaux en termes de taux d’accroissement démographique (à l’exception de la Corse).
Côté espagnol, les quatre Communautés Autonomes couvrent 19,3% du territoire national sur lesquels vivent 18,9% de la population du pays, dont elles ont absorbé, entre 1999 et 2006, 24,7% de la croissance démographique. Contrairement à la France, il existe des disparités entre communautés dans la répartition de cette croissance. Ainsi, si la densité moyenne de cet ensemble de quatre régions est de 114 habitants/km2, ce qui le situe dans la moyenne nationale, il apparait que le Pays-Basque et la Catalogne ont des densités de populations élevées, respectivement de 291,4 et 213,1 habitants/km2, alors qu’au contraire l’Aragon et la Navarre sont marquées par des valeurs très faibles de 23,2 et 56,2 habitants/km2. Concernant les taux de croissance démographique enregistrés entre 2000 et 2006, la Catalogne a progressé de 14,9%, la Navarre de 11,9%, l’Aragon de 7,6% et le Pays-Basque de seulement 1,6%.
 
3. Les connexions ferroviaires à grande vitesse : les extrémités des Pyrénées favorisées aux dépends d’un vaste espace central
Le contexte européen fixe un schéma de référence pour les connexions entre l’Espagne et la France, définies à travers de grands corridors qui s’inscrivent dans la politique des réseaux européens de transport arrêtée au niveau communautaire. Ainsi, dans les 30 projets prioritaires identifiés dans le RTE-T de 2004, cinq concernent tout particulièrement le franchissement des Pyrénées2 :
  • Projet n°3 : axe ferroviaire à grande vitesse du Sud- Ouest de l’Europe comportant deux branches : orientale et occidentale.
  • Projet n°8 : axe multimodal Portugal/Espagne- reste de l’Europe.
  • Projet n° 16 : axe ferroviaire de fret Sines/Algésiras-Madrid-Paris (dont la Traversée Centrale des Pyrénées)
  • Projet n°19 : interopérabilité des lignes à grande vitesse dans la péninsule ibérique
  • Projet n°21 : autoroutes de la mer ; celle de l’Europe de l’Ouest- qui relie l’Espagne et le Portugal, via l’arc Atlantique, à la mer du Nord et à la mer d’Irlande- et celle de l’Europe du Sud- Ouest (méditerranée occidentale)- qui relie l’Espagne, la France, l’Italie et Malte, et se raccorde à l’autoroute de la mer de l’Europe du Sud- Est.
Au niveau ferroviaire apparaissent donc deux projets concernant directement la connexion des réseaux de transport français et espagnols. Le projet prioritaire n°3 avec ses deux branches littorales (LGV Montpellier-Barcelone et LGV Bordeaux-Espagne – GPSO) et la Traversée Centrale des Pyrénées à travers le projet n°16.
Dans l’Etat actuel des choses, les axes littoraux seront opérationnels dans les années à venir, alors que la Traversée Centrale des Pyrénées n’a pas encore de corridor de passage clairement défini côté français. Or, les Pyrénées qui ont une longueur de 430 kilomètres d’Est en Ouest ne disposent pour l’heure d’aucune liaison efficace en dehors des axes littoraux. Les territoires centraux des Pyrénées sont donc dépendants des axes littoraux et se trouvent dans l’impossibilité de communiquer de manière efficace. Ainsi, faute de disposer d’infrastructures ferroviaires directes Nord-Sud, Toulouse et Saragosse doivent recourir à un réseau de liaisons moins directes ou obsolètes : le parcours entre les deux villes s’effectue, soit en passant par des tunnels d’altitudes aux itinéraires d’accès dangereux, soit en passant par Barcelone ou Saint-Sébastien au prix d’un kilométrage doublé. Au niveau des Pyrénées, Midi-Pyrénées et l’Aragon se trouvent donc dans une situation de « cul de sac » qui ne leur donne pas les mêmes chances de développement que les autres régions de la chaîne des Pyrénées qui disposeront toutes (a l’exception de la Navarre mais qui est très proche du Pays-Basque) d’un réseau ferroviaire à grande vitesse transfrontalier à priorité voyageurs dans les prochaines années.
Le réseau de transport terrestre entre la France et l’Espagne
2Selon l’observatoire franco-espagnol des trafics dans les Pyrénées, Décembre 2008

C. La Traversée Centrale des Pyrénées : un projet d’infrastructure européen pour répondre à la croissance des échanges transpyrénéens

Réalisation Eurosud Transport
Le nouvel axe ferroviaire à grande capacité transpyrénéen fait partie du projet prioritaire n°16 du Réseau Transeuropéen de Transport (RTE-T). Il s’agit, à l’origine, de développer une liaison ferroviaire à priorité fret entre le sud-ouest de l’Europe et le reste du continent, sur l’axe Sines/Algesiras-Madrid-Paris. Cependant une demande des collectivités locales existe sur la possibilité de réserver des sillons aux voyageurs, mais sans parler de grande vitesse. Cette infrastructure de transport doit permettre de répondre aux besoins croissants d’échanges à l’intérieur de l’Europe et à la connexion des ports au réseau ferroviaire en France et en Espagne. Elle doit également favoriser le report modal de la route vers le fer, pour répondre aux nouvelles exigences d’un développement durable et respectueux des ressources naturelles de la planète.
Au droit des Pyrénées, la ligne ferroviaire passera par un tunnel de basse altitude, appelé Traversée Centrale des Pyrénées qui aura les caractéristiques suivantes :

Un tunnel de basse altitude et à haut niveau de rendement.
une longueur de plus de 41 kilomètres.
Il sera constitué de deux tunnels indépendants d’une seule voie chacun, d’un diamètre de 8,5 mètres, qui seront séparés entre eux de 30 mètres.
La vitesse prévue reste pour l’instant de 250 km/h.

Actuellement, les deux principaux axes d’échanges, tant voyageurs que fret, entre la péninsule ibérique et le reste de l’Europe, se situent de part et d’autre du massif montagneux, en façades atlantique et méditerranéenne. Les flux liés au transport routier qui assure la quasi totalité des échanges économiques très importants entre l’Espagne, la France et le reste de l’Europe connaissent une croissance forte et continue ces 20 dernières années, ce qui a pour conséquence une saturation des axes routiers et ferroviaires existants et de très lourdes nuisances sociales et environnementales. Ainsi, 20 000 camions franchissent les Pyrénées chaque jour et environ 120 millions de tonnes de marchandises traversent la chaîne chaque année. Les deux passages ferroviaires supportent quant à eux 2,5 millions de tonnes de marchandises par an en stagnation, voire en déclin depuis plusieurs années.

Source : Atlas des échanges transpyrénéens
Réalisation Eurosud Transport
Un projet pour les Pyrénées, l’Europe et l’espace méditerranéen
Permettre de relier l’extrémité du Sud-Ouest de l’Europe aux pays du Nord et de l’Est semble particulièrement pertinent, à en juger notamment par « l’ouverture » gagnée vers le Maghreb et les grands courants d’échanges maritime (dont l’Asie). La Traversée Centrale des Pyrénées n’a donc pas uniquement une vocation « euro-régionale ». Elle est un projet pour l’ensemble de l’Europe, de la Méditerranée et du Maghreb. Elle s’inscrit dans la perspective de création et de renforcement d’un marché de près de 800 millions d’habitants.
En effet, malgré la crise économique, la croissance des échanges entre le Maroc et l’Espagne reste importante. Ces échanges croissants pourraient profiter au Sud- Ouest de la France si la Traversée Centrale des Pyrénées est réalisée ; ceci d’autant plus que le Grenelle de l’environnement préconise de transférer 25% du fret vers le ferroviaire. Ainsi, même si les prévisions de développement du fret ne sont que des hypothèses, la proposition d’une nouvelle offre va créer de la demande. Envisager une traversée par le centre des Pyrénées permettra donc de perméabiliser le massif, d’alléger le trafic lié au transport routier sur les axes du littoral et de rééquilibrer la répartition modale des échanges en faveur du ferroviaire et du maritime, les deux modes de transport les plus soutenables au regard du développement durable.
Le projet devra intégrer une dimension « voyageurs » afin d’optimiser les retombées économiques locales, notamment dans le secteur du tourisme.
Les échanges, de voyageurs et de fret, entre la France et l’Espagne empruntent aujourd’hui en grande majorité les modes de transport les plus polluants
– Les relations France-Espagne : un enjeu économique
– La France est le 1er partenaire commercial de l’Espagne et l’Espagne est le 4ème partenaire commercial de la France en Europe. Le volume d’échanges entre les deux pays a été de 51,5 Mds d’Euros en 2009
– L’Espagne est la 1ère destination touristique des français : 9 millions de français par an se rendent en Espagne, tandis que 6 millions d’espagnols par an viennent en France
– 250 000 français vivent en Espagne et 300 000 espagnols résident en France
– Les entreprises espagnoles ont investi 24 milliards d’euros en France et les entreprises françaises ont investi 37 milliards d’euros en Espagne
– Dans le Sud- Ouest européen vit plus de 13% de la population européenne avec un taux de croissance démographique supérieur à la moyenne communautaire
 
Un projet géo-stratégique pour l’Espagne
Le projet semble prendre une dimension géo-stratégique pour l’Espagne : le 18 décembre 2009, le président du gouvernement d’Aragon, Marcelino Iglesias, a déclaré lors d’un forum à Madrid que la « Traversée Centrale des Pyrénées est une question de sécurité nationale ». Il a ainsi exprimé le souhait que les axes de circulation avec la France ne soient pas concentrés uniquement au niveau de la Catalogne et du Pays basque. De plus, le centre des Pyrénées étant le plus court parcours pour relier le Sud, le centre et le nord de l’Espagne au Sud-Ouest français, cette traversée permettrait la captation de 25 à 40% du trafic de marchandises supplémentaires.

Un projet semblant s’accélérer avec la création d’un groupement européen d’intérêt économique (GEIE)

Pendant plusieurs années, l’Espagne a exprimé son sentiment d’exaspération lié à ce qui était considéré comme un désintérêt de la France concernant les communications pyrénéennes, qu’il s’agisse des liaisons routières ou ferroviaires.
Cette situation de « blocage » semble néanmoins évoluer et la France prend aujourd’hui la mesure des enjeux que représente la réalisation de la traversée centrale des Pyrénées.
Ainsi, le 31 mai 2007, le président de la république a clairement pris position en faveur de la nouvelle traversée ferroviaire des Pyrénées.
Mais la principale avancée vers la réalisation de ce projet est sans nul doute la création le 20 octobre 2009 d’un GEIE franco-espagnol nommé « Traversée à Grande Capacité des Pyrénées » (TGC Pyrénées).
La constitution du GEIE TGC Pyrénées est le résultat de décisions adoptées lors des deux sommets franco-espagnol, tenus en janvier et juin 2008 à Paris et à Saragosse. Pour la première de ces réunions, les états français et espagnols se sont mis d’accord sur un programme d’études préliminaires, pour la période 2008-2013. Dans la seconde réunion, le secrétaire d’Etat espagnol Victor Morlan et le secrétaire d’Etat aux transports français, Dominique Bussereau, se sont mis d’accord sur la constitution même du GEIE et sur ses objectifs. Le GEIE est donc constitué de l’ADIF pour l’Espagne et de RFF pour la France, les deux entités ayant 100 parts chacune. Les régions et communautés autonomes pourront participer au suivi du programme.

 
10 tracés alternatifs actuellement proposés pour la traversée centrale des Pyrénées
Le projet tel qu’il figure dans les documents européens ne préjuge pas un tracé précis. Il appartient aux Etats, dans le cadre d’accords bilatéraux lorsqu’il s’agit d’infrastructures transfrontalières, de mettre en œuvre les études préalables, de procéder aux consultations et aux débats publics nécessaires, et, in fine, de faire le choix des tracés définitifs.
Dans le cadre du GEIE, un plan d’actions a été adopté qui prévoit un programme d’études permettant de définir des corridors de tracés possibles, et de prendre la mesure de l’interconnexion du nouvel axe avec les infrastructures de transport et de logistique existantes et à développer. L’Espagne s’est clairement engagée en faveur du projet et a déjà réalisé de lourds investissements d’infrastructure avec la réalisation de voies ferroviaires à grande vitesse entre Madrid et Saragosse, et même jusqu’à Huesca, et le développement de plates-formes logistiques multi-modales très importantes à Saragosse.
 
A ce titre, le GEIE dispose d’un programme d’études basées sur 10 tracés différents :
  • Saragosse-Huesca-Monzon-Barbastro-Arreau-Lannemezan
  • Saragosse-Huesca-Monzon-Barbastro-Bagnères de Luchon-Montréjeau
  • Saragosse-Huesca-Monzon-Barbastro-Ainsa-Sainte Marie de Campan-Tarbes
  • Saragosse-Huesca-Sabinanigo-Biescas-Pierrefitte Nestalas-Lourdes
  • Saragosse-Huesca-Sabinanigo-Biescas-Argelès Gazost-Lourdes
  • Saragosse-Huesca-Sabinanigo-Biescas-Ferries-Lestelle Betteran-Lourdes
  • Saragosse-Huesca-Sabinanigo-Biescas-Laruns-Pau
  • Saragosse-Canfranc-Pau
Relier la vallée espagnole de Benasque à la vallée française de la Pique
Relier la vallée espagnole du Noguera Ribagorzana, dans sa partie espagnole et la vallée de la Pique dans la zone française
Pour chacune des options de tracé, les études réalisées prennent en compte les éléments suivants :
  • Les nécessités de transport et les prévisions de trafic, tant pour les voyageurs, que pour les marchandises.
  • La complémentarité avec les autres liaisons affectées, spécialement les transpyrénéennes ou proches des Pyrénées.
  • L’évaluation préliminaire, technique et financière, du tracé et des installations associées.
  • L’évaluation des impacts environnementaux locaux et globaux.
  • L’évaluation territoriale et économique, et plus spécialement les impacts portant sur le développement local, l’aménagement du territoire et la logistique.
  • L’évaluation de l’intérêt socio-économique global.
  • L’analyse de la viabilité financière.
D’une manière générale, ce programme d’études servira de base aux décisions prises par rapport au projet, dans le cadre des procédures d’information, de participation et de concertation dans chacun des deux pays.
La somme allouée à ces études est de l’ordre de 10 millions d’euros, dont 50% est financée par des fonds européens et 50% par les gouvernements des deux pays.
Les bénéfices attendus pour la région Midi Pyrénées

Sur un plan plus local, le Conseil Général des Hautes-Pyrénées et la Région Midi-Pyrénées se sont prononcés en faveur d’études sur un axe Toulouse-Saragosse par Lannemezan.
Cette hypothèse présente de nombreux avantages :
  • Raccorder Toulouse et sa région au projet entériné par l’Espagne qui prend appui sur la plus grande plate-forme logistique d’Europe à Saragosse, et s’insère dans un réseau plurimodal de transport avec des connexions aux réseaux routier, ferroviaire à grande vitesse, et aux lignes aériennes; Toulouse et Saragosse sont par ailleurs des ports secs de Barcelone ;
  • Le plateau de Lannemezan offre des espaces où pourraient se développer des infrastructures logistiques, proches des réseaux autoroutiers et ferroviaires français ;
  • Le tunnel projeté prenant naissance à l’extrémité du plateau de Lannemezan, l’espace naturel des hautes vallées serait ainsi préservé ;
  • le développement, au débouché du tunnel, d’une plate-forme logistique et d’une gare voyageurs, adaptées aux besoins locaux et régionaux, ouvre de nouvelles perspectives d’activités économiques pour les Hautes-Pyrénées mais également pour les départements voisins de Haute Garonne et du Gers, espaces fragilisées par les processus de désindustrialisation de ces dernières années ;
  • les régions frontalières, de part et d’autre des Pyrénées, engagées dans les programmes de coopération INTERREG IV A, notamment pour la valorisation des filières de production agricoles locales (politique de labels, circuits de distribution courts) et la promotion du tourisme vert (patrimoine et espaces naturels), des stations de ski et du thermalisme, bénéficieront d’une infrastructure de transport performante et répondant aux critères du développement durable.
 
La ville de Saragosse et l’Aragon : un centre logistique et intermodal majeur en Europe

Saragosse est la capitale de la communauté autonome d’Aragon et se situe à la confluence des fleuves et rivières Ebre, Huerva, et Gallego, au centre du nord-est espagnol, à environ 300 kilomètres des villes les plus importantes d’Espagne : Madrid, Barcelone, Valence et Bilbao. Dans cet espace se développe une activité économique importante qui représente plus de 70% du PIB espagnol et 60% de sa population.
L’agglomération dénombre plus de 650 000 habitants, ce qui la positionne comme la cinquième ville la plus importante d’Espagne.
Soutenant pleinement le concept d’intermodalité, le gouvernement d’Aragon a mis en place à Saragosse la plus grande plateforme logistique et intermodal (PLAZA) du continent européen qui représente près de 1300 hectares (avec l’ambition qu’à terme, la plateforme dispose d’une surface totale de 2300 hectares). Cette volonté de l’Aragon de se transformer en un pôle logistique international est confirmée par l’installation d’une antenne du Massachussets Institute of Technology, spécialisé dans la formation et la recherche en logistique.
Pour comparaison, Eurocentre, qui est la principale plateforme logistique de l’aire urbaine toulousaine ne s’étale « que » sur une surface de 300 hectares.
La traversée centrale des Pyrénées permettrait au Sud- Ouest de la France de bénéficier des possibilités économiques et logistiques qu’offrent Saragosse et l’Aragon.

La réalisation d’un tunnel ferroviaire à grande capacité au droit de Toulouse et Saragosse, deux villes similaires par bien des aspects, créerait une dynamique de développement, riche d’opportunités, pour les régions concernées.
La conjonction des volontés qui s’expriment aux niveaux européen, national et local, croisée avec la prise en compte des enjeux de développement et de préservation des espaces naturels, sont nos meilleurs atouts pour soutenir l’ambition de ce nouvel axe ferroviaire à grande capacité trans-pyrénéen.
Un des arguments avancés par les opposants à ce type d’infrastructure est de préserver un environnement qui reste exceptionnel. Mais le blocage de tout projet d’infrastructure sur la chaîne pyrénéenne aboutit à un résultat inverse de cette volonté affichée : en effet, alors que les échanges ne cessent de croître entre la péninsule ibérique et le reste de l’Europe, seule la route permet encore de concrétiser ces échanges, sur des points de passage peu nombreux et souvent inadaptés. Saturation des réseaux existants, dangerosité des transports, inadéquation des aménagements, inexistence des alternatives de transport autres que routiers, on est loin des conditions d’un développement durable des échanges.
Par ailleurs, ce nouveau corridor devra nécessairement, à terme, avoir sa place dans le futur réseau de fret ferroviaire engagé par la France en septembre 2009 dans le cadre du Plan Rail et du service de fret européen à grande vitesse.

D. La TCP : vers un rééquilibrage de l’aménagement du territoire dans les Pyrénées ?

  • La possibilité de réaliser la TCP en direction de Pau est une supposition qui peut être défendue. Néanmoins, cela implique plusieurs hypothèses à prendre en compte :
    d’une part, la TCP se connectera probablement au futur barreau Béarn-Bigorre et à la LGV Bordeaux-Espagne qui sera déjà le support de flux de marchandises et de voyageurs provenant du Pays-Basque espagnol : cette ligne et le futur nœud ferroviaire bordelais seront-ils en mesure d’assurer l’arriver d’une quantité de marchandises aussi importante ? En effet, le volume de marchandises traversant chaque année les Pyrénées risque d’atteindre les 270 millions de tonnes en 2020 (contre plus de 100 millions en 2002) 3.
  •  
    En second lieu, cette situation suppose que deux axes ferroviaires majeurs (littoral Atlantique et TCP) se trouveront à une centaine de kilomètres l’un de l’autre quand la partie centrale des Pyrénées restera toujours en marge avec plus de 300 kilomètres sans connexions efficaces.
  •  
    Les principaux réseaux ont en premier lieu vocation à connecter entre elles les principales métropoles, ainsi l’axe Bordeaux-Espagne connecte directement Bordeaux au couple Bilbao/Saint-Sébastien et l’axe méditerranéen connecte les principales métropoles de l’arc méditerranéen et rhodanien Barcelone-Montpellier-Marseille-Lyon. Dans la continuité de ce schéma, la TCP devrait alors très logiquement connecter Toulouse et Saragosse. Au final, le territoire pyrénéen bénéficierait d’un réseau équilibré au sein duquel l’ensemble des capitales régionales et villes moyennes de cet espace serait reliées entre elles avec
    – trois corridors transpyrénéens

    – deux LGV transversales Est-Ouest
    – un ensemble de lignes conventionnelles qui se connecteraient à ce « réseau structurant ».
     

    Cette perspective est d’autant plus pertinente et participe ici encore d’une véritable politique d’aménagement du territoire que cela permettrait d’envisager de manière sérieuse la constitution d’un axe de fret performant passant par Auch, Agen, Périgueux et Limoges qui sont des territoires souvent « délaissés ». Au final, le Sud-Ouest français pourrait disposer d’un « outil ferroviaire » et plus globalement de transport et de mobilité qui participerait à la structuration des politiques et économies régionales ; ceci sur des axes à vocation européenne et transnationale tels que Paris-Tours-Bordeaux-Saint-Sébastien-Madrid/Lisbonne ; Paris-Orléans-Limoges-Toulouse-Saragosse-Madrid-Algésiras/Sinès-Tanger ;Paris-Lyon-Marseille-Montpellier-Barcelone-Saragosse-Madrid.

Un corridor de passage potentiel de la TCP à partir du plateau de Lannemezan
Fond de carte : LISST CIEU
3Selon l’analyse prévisionnelle intégrée au plan des infrastructures de Catalogne adopté en 2006
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