Eurosud TEAM analyse les avancées de la LGV Bordeaux-Toulouse

Dans sa newsletter d’octobre 2020, Eurosud TEAM présente les étapes clefs pour la mise en œuvre rapide du projet.

LGV Bordeaux-Toulouse : pourquoi tous les feux sont au vert ?

Une chose est sûre, la crise sanitaire que nous traversons, a mis en exergue le retard pris par notre région sur le plan ferroviaire et les erreurs commises par les différents gouvernements qui ont laissé Toulouse et sa région s’enclaver sans autre alternative que l’avion et la voiture pour répondre à ces crises d’un nouveau genre que l’on nous promet régulières et nombreuses. Car oui, la COVID 19 a accentué le déséquilibre entre les villes desservies par une ligne à grande vitesse et celles comme Toulouse qui la réclame depuis toujours.

Comment les toulousains peuvent-ils se déplacer vers la Capitale alors qu’Air France vient tout juste (le 21/09/20) de relancer sa navette Paris Orly -Toulouse (dix vols quotidiens), que la compagnie a purement et simplement supprimé sa navette au départ et à l’arrivée de Bordeaux et qu’il faut toujours compter près de 4H30 au départ de Toulouse pour rejoindre en train la plus grosse métropole de notre pays ?
Force est de constater qu’il y a une réelle fragilité à ne dépendre que d’un système de transport car si à ce jour et malgré la recrudescence de l’épidémie de COVID 19 tous les TGV sont repartis en circulation, ce n’est pas le cas pour les avions qui survolent notre territoire. Car ce qu’on ne croyait pas possible jusque-là est finalement arrivé : l’aérien peut et a dû baisser son offre !
Dans ce contexte n’est-il pas opportun de se replonger dans les arguments des pro LGV d’autant que tous les voyants sont au vert pour voir enfin aboutir le GPSO ! ?

Pourquoi faut-il faire la LGV ?

Au mois d’août 2020, après le confinement, alors que l’utilisation des TER a diminué de 20% en France, elle a augmenté de 10% en Occitanie. Comment l’expliquer ? En se rappelant que notre région a tout misé sur le ferroviaire, elle investit dans le rail de longue date et les lignes à grande vitesse sont un des éléments indispensables de ce système ferroviaire, un élément manquant qui permettrait pourtant de retrouver des capacités pour le fret et les trains du quotidien et même plus encore. Pour Marion Guillou, membre du haut conseil du climat « la LGV est indispensable pour bien connecter la région ». C’est ce qu’elle a déclaré en remettant au maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc et à la présidente de région Carole Delga, le rapport de la mission de prospective économique « Toulouse, territoire d’avenir » le 29 septembre dernier.

Mais parmi les autres arguments pour dire oui à la LGV il y a bien sûr ceux que nous expliquons depuis longtemps déjà, les arguments environnementaux. Et sur ce terrain, le doute n’est pas permis ! Un voyageur du Toulouse-Paris consomme en avion 130kg CO2 d’émissions de gaz à effet de serre, contre 40kg CO2 en voiture et 4kg en TGV. Il n’y a pas photo surtout si l’on y ajoute un trajet respectueux de la biodiversité et le respect de la nature avec les aménagements paysagers prévus dans le projet également baptisé GPSO. Rappelons par ailleurs, que la commission Environnement du Parlement Européen a adopté le 10 septembre 2020 un objectif contraignant de réduction d’au moins 60 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE en 2030. Et même si cet objectif devra encore être validé par l’ensemble du Parlement en séance plénière début octobre, ce vote confirme qu’il est impératif d’agir sur notre mobilité puisque les transports de manière générale restent le secteur d’activité humaine le plus polluant. Il semble plus que jamais évident que Toulouse ne peut pas rester dans ce désert environnemental où seul l’avion et la voiture permettent de se déplacer sur des liaisons pourtant très fréquentées.

D’autant que ce GPSO (Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest) ouvre le champ des possibles et l’on a tort de penser que la ligne à grande vitesse ne fera que rapprocher Toulouse de la capitale. « Le TGV c’est la chance historique de relier l’Atlantique et la Méditerranée dans un nouveau schéma territorial en construction » martèle Jean-Louis Chauzy, notre président.

Plus qu’un pari sur l’avenir le TGV est un investissement productif pour relier la seule métropole de l’hexagone privée de la grande vitesse. « Sans la LGV, nous prenons le risque de voir la Ville Rose ne pas bénéficier de certains équipements faute d’attractivité ! » explique encore Jean Louis Chauzy. Même son de cloche du côté du toulousain Jean Tirole, Prix Nobel d’Economie, qui déclarait fin septembre 2020 lors de la remise du rapport « Toulouse, territoire d’avenir » (à télécharger ici) réalisé par une commission indépendante dont il fait partie : « Toulouse est avec Nice la seule ville encore enclavée de la sorte en France. L’économie en souffre beaucoup même si la navette nous relie à Paris par l’avion ».

L’inexistence d’une transversale ferroviaire en France est si criante que Toulouse apparait incontestablement aujourd’hui comme le chaînon manquant du réseau ferroviaire national avec des répercussions indéniables sur son attractivité.

Et puis il y a l’argument conjoncturel, imparable alors que la crise sanitaire a fragilisé le marché de l’emploi. La LGV ce sont des carnets de commandes pour les entreprises régionales, l’artisanat et le commerce avec près de 10 000 emplois à la clef. Peut-on s’en passer ?

Enfin à la longue liste des arguments pour le « oui » à la LGV, il faut bien sûr ajouter la vitesse et le gain de temps. Un argument évident mais édifiant à la lumière de ces chiffres : au-delà de 5H moins de 50% des voyageurs prennent le train alors qu’avec 2H de moins ce mode de déplacement devient compétitif puisque l’on passe à plus de 65% de passagers. La complémentarité avec le transport aérien prend alors toute sa dimension, une dimension non négligeable au regard des annonces faites par le gouvernement en avril 2020 qui présentant son plan de sauvetage de 7 milliards d’euros à Air France-KLM demandait des contreparties à la compagnie : « Nous voulons qu’Air France réduise de 50% son volume d’émission de CO2, sur ses vols métropolitains, d’ici à la fin 2024 […] Cette condition va nous amener à revoir la mobilité sur le territoire français […] Dès lors qu’il y a une alternative ferroviaire à des vols intérieurs avec une durée de moins de 2 h 30, ces vols intérieurs devront être drastiquement réduits, et pour tout dire, limités simplement aux transferts vers un hub » expliquait alors le ministre de l’Economie Bruno Le Maire. Depuis notre voisine et partenaire Bordeaux dotée d’une ligne TGV s’est vu supprimer ses vols vers Orly.

Le contexte semble donc favorable et mieux encore il semblerait que tous les voyants soient au vert pour enfin lancer cette LGV !

Tous les voyants sont au vert

En effet, sur le plan juridique, tous les recours ont été levés :
Par décision du 11 avril 2018, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a rejeté les recours déposés contre le décret du 2 juin 2016 et a confirmé la légalité de la DUP des lignes nouvelles.
Par décision du 17 octobre 2019, la Cour administrative d’appel de Bordeaux annule le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux du 29 juin 2017 et confirme la légalité de la DUP des aménagements ferroviaires au Sud de Bordeaux.
Par décision du 12 mars 2020, la Cour administrative d’appel de Bordeaux annule le jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 15 juin 2018 et confirme la légalité de la DUP des aménagements ferroviaires au Nord de Toulouse.

Par ailleurs, le projet est désormais fléché comme prioritaire dans la loi LOM d’Orientation des Mobilités promulguée en décembre 2019, « l’aboutissement d’un long travail collectif » expliquait notre président Jean Louis Chauzy lors de la conférence de presse d’Eurosud TEAM le 21 janvier 2020. Loi qui comporte un volet programmation des financements auquel appartient donc désormais le projet de LGV.

A cela s’ajoute le fait que le GPSO va désormais pouvoir bénéficier de fonds européens conséquents au titre du MIE (Mécanismes pour l’Interconnexion en Europe) pour la période 2021/2027. Après un gros travail de lobbying de toutes les collectivités, la LGV Bordeaux/Toulouse est officiellement devenue un projet prioritaire européen rattaché au corridor Atlantique. Rappelons que le MIE est le bras armé de la commission européenne pour financer les projets d’infrastructures européens, c’est dire l’importance de cette décision !

Les sociétés de projets, nouvel outil de financement pour les territoires.
Enfin, les collectivités sont désormais autorisées à créer une société de projet pour la réalisation et le financement du GPSO. Là encore, le travail de lobbying a payé. Débuté en 2016 avec le colloque sur les financements innovants que nous avons organisé à Toulouse, il a abouti à l’inscription dans la loi LOM d’un article autorisant les collectivités qui le demandent à créer des sociétés de projets sur le modèle de la société du Grand Paris. Avec cet outil qui permet de rassembler tous les apports financiers envisagés, mais aussi de lever éventuellement une fiscalité locale pérenne, la société de projet du GPSO va pouvoir prendre les choses en main. Elle pourra même aller chercher quand elle en aura besoin des emprunts sur 50 ans qu’elle pourra rembourser. Désormais dotées d’un outil qui va leur permettre de terminer les études, de faire les acquisitions foncières et même de lancer les travaux, les collectivités travaillent plus sereinement sur ce projet tant attendu.

Alors oui, nous l’affirmons, tous les voyants sont au vert mais il n’empêche que le timing est serré, car cette autorisation qu’a donné la LOM aux collectivités de créer une société de projet est soumise à un règlement juridique qui veut que cette décision soit validée par une ordonnance impérativement prise dans les 24 mois après la promulgation de la loi. La crise sanitaire ayant ralenti le process il s’est déjà écoulé un an et il ne faut donc pas perdre de temps ! A ce jour le travail technique avec l’Etat se poursuit et il semblerait qu’il se passe plutôt bien.

Alors certes il reste sans doute encore de longues pages à écrire sur cette histoire du transport ferroviaire français débutée en 1991 sous le gouvernement de Michel Rocard mais jamais autant de points positifs – de facteurs d’accélérations – n’auront donné l’espoir de voir aboutir le projet qui permettrait (notamment) de placer la Ville Rose à 3H15 de Paris. »

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