Le développement du réseau ferroviaire à grande vitesse espagnol

1. Un réseau dépassé jusqu’à l’arrivée de l’AVE

a. Un passé ferroviaire difficile

Clairsemé, confronté à un relief souvent difficile (l’Espagne fait partie des pays européens les plus « montagneux »), très souvent à voie unique, le réseau ferroviaire espagnol hérité des grandes compagnies privées (Norte, Madrid-Zaragoza-Alicante) cumule encore aujourd’hui les handicaps : l’écartement spécifique de ses voies l’isole du reste de l’Europe (excepté avec le Portugal), le pays n’a pas connu de révolution industrielle et la croissance économique engagée dans le courant des années 1960 a engendré, comme dans l’ensemble des pays développés, un développement des infrastructures et du transport routier.
Ainsi, dans les années 1960, la voiture était une norme sociale triomphante et le signe d’une émancipation trop longtemps contenue par la population espagnole. Le pays est alors un vaste chantier permanant où sont construits un peu partout des autoroutes, des périphériques […], pour tenter de canaliser la croissance des flux motorisés. A l’image de la France, prendre le train à cette époque est devenu « ringard », le rail étant alors identifié à l’Espagne du passé, lente, poussiéreuse et toujours en retard.
En 1975, à la mort du général Franco, le réseau espagnol apparait donc dépassé, faute d’investissements importants, hormis pour des travaux d’électrification. A l’époque, ce retard prit par les espagnols en matière ferroviaire apparait d’autant plus flagrant lorsque le réseau est comparé à ses homologues européens. Ainsi, à la fin du vingtième siècle, les lignes composant le réseau ferroviaire ibérique apparaissent similaires à celles des pays en développement, les espagnols les considérants eux-mêmes comme « dignes du tiers monde ».
Le développement économique du pays engagé depuis près de cinquante ans a tendance à se concentrer autour des principales agglomérations qui se situent souvent à la périphérie du pays (c’est le cas pour Barcelone, Valence, Alicante, Séville, Bilbao, Saragosse…). Le rail s’est alors retrouvé pendant plusieurs décennies dans une situation où il devait faire face à de gros problèmes de capacité.
A ces phénomènes vient s’ajouter dans les années 1980, la démocratisation de l’avion qui incarne la norme pour les déplacements d’affaires et touristiques à moyenne et longue distance. A l’heure de l’entrée de l’Espagne dans l’union européenne en 1986, ce moyen de transport est même un « symbole fort » de l’intégration du pays à l’espace communautaire.
Dès lors, il apparaissait difficile de croire encore au développement du chemin de fer. Comment le train pouvait-il apparaitre comme une solution majeure et durable pour les déplacements ? Trois évènements significatifs vont alors changer la donne à la fin du vingtième siècle. En premier lieu, l’urbanisation accélérée du pays va rendre indispensable la construction de métros et la création de réseaux ferroviaires de banlieues efficaces. Dans un second temps, le développement de la grande vitesse ferroviaire dans d’autres pays, tels que le Japon avec le Shinkansen et la France qui voit l’arrivée du TGV Paris-Lyon en 1981, interpellent l’Espagne. Enfin, passant aux actes en 1992, le pays se dote de sa première ligne ferroviaire à grande vitesse Madrid-Séville qui lui fait prendre conscience que le développement d’un réseau ferroviaire performant peut être un facteur structurant de son développement.

b. 1992 : l’ouverture de la première ligne à grande vitesse Madrid-Séville

Avec le double objectif de relier les aires urbaines du pays entre elles et avec l’Europe, les différents gouvernements de la transition démocratique (aussi bien socialistes que populaires) post-franquiste ont effectué le pari de la grande vitesse ferroviaire. Nourrissants peu d’espoirs de redresser une situation du fret difficile, car extrêmement marginale sur le marché du transport de marchandises, les dirigeants politiques se focalisent donc sur le transport à grande vitesse de voyageurs.
Ainsi, alors que le choix de création de la première ligne à grande vitesse aurait du se porter sur la liaison Madrid-Barcelone, les deux principales métropoles du pays, puis sur une liaison avec la frontière française, c’est Madrid-Séville qui a pourtant été choisie. Cette décision s’explique par le fait que la capitale de l’Andalousie accueillait en 1992 l’exposition universelle. Dès lors, le gouvernement de Felipe Gonzales opte en 1986 pour la réalisation de la ligne Madrid-Séville. Afin de faire sauter les goulets d’étranglement sur la voie unique existante, Gonzales souhaite au départ faire construire une ligne à écartement ibérique et à exploitation mixte. Néanmoins, lors du conseil des ministres du 9 décembre 1988, c’est l’écartement international (UIC) qui est retenu avec la création de lignes à grande vitesse uniquement destinées au transport de voyageurs .
La première ligne AVE à voir le jour est donc Madrid/Atocha-Séville qui a été mise en service le 21 avril 1992. Cette ligne, même contestée au départ, s’est avérée être un succès pour la RENFE, et une référence tant technique que commerciale pour les lignes AVE à venir. D’une longueur de 471 kilomètres, elle est devenue très rapidement rentable. En quinze ans, entre 1992 et 2007, la RENFE y a transporté 80,9 millions de clients, dont la moitié empruntait le trajet Madrid-Séville dans sa totalité. Si le train ne respectait pas les horaires initialement prévues, les clients étaient remboursés. Ainsi, en 2006, la ponctualité des trains sur la ligne a été de l’ordre de 99,6%. De plus, entre 1992 et 2006, l’offre de places y a été multipliée par quatre passant de six à vingt allers/retours quotidiens. Avec l’élévation de la vitesse commerciale de 250 à 300 km/h, l’ensemble du trajet Madrid-Séville ne dure plus que 2h15. Ainsi, dans sa concurrence avec l’avion, l’AVE capte plus de 80% des parts de marché, contre 20% pour l’aérien .
A cette époque, le ministre des transports José Barrionuevo fait étudier la transformation à voie UIC de l’ensemble du réseau existant, dont l’évaluation financière, sans doute extrêmement élevée, ne sera jamais véritablement connue.
Président du gouvernement espagnol durant quatre mandats de 1982 à 1996
GARICOIX M., Espagne : la grande vitesse, doucement mais sûrement, in Ville et transports, 26 décembre 2007
Le réseau ferroviaire espagnol
Source : BusinessTravel

2. Un matériel roulant s’adaptant à l’hétérogénéité du réseau

En Espagne, les trains circulant sur les LGV sont de deux types : des AVE dont la vitesse est supérieure à 250 km/h et des trains équipés avec des dispositifs de changement d’écartement de voie (dont la vitesse est inférieure à 250 km/h). Ces dispositifs permettent qu’un même train puisse réaliser une partie de son itinéraire sur des voies à écartement UIC et à grande vitesse, et l’autre partie sur des voies à écartement ibérique et à vitesses moins élevées sans rupture de charge et sans perte de temps. La connexion entre les deux réseaux se réalise avec des « échangeurs d’écartement de voie ». Ainsi, par exemple, un train qui fait le trajet Madrid-Bilbao circule sur une LGV à écartement UIC entre Madrid et Valladolid. Dans cette ville, le train adopte l’écartement de voie ibérique et continue son trajet par la ligne conventionnelle jusqu’à Bilbao. Alors que dans le système français le TGV peut circuler sur l’ensemble du réseau et que les LGV sont entièrement destinées à sa circulation, dans le cas espagnol, les AVE ne circulent que sur les nouvelles lignes qui sont pourtant ouvertes à la circulation de d’autres types de trains.
L’Alta Velocidad Espagnola
Selon Virginia Gilles, directrice de la plateforme logistique « Aquitaine-Euskadi »
PEIT

3. Le plan stratégique pour les infrastructures de transports de 2004 : une place importante accordée au développement du réseau ferroviaire

a. Le plan de développement des infrastructures précédant le PEIT

Voyants la réussite incontestable de l’AVE Madrid-Séville, les différents gouvernements espagnols vont dès lors faire preuve d’un volontarisme important pour développer le réseau ferré à grande vitesse du pays. De plus, l’intégration de l’Espagne à l’union européenne au milieu des années 1980 lui permet désormais de bénéficier de fonds européens pour rattraper son retard.
Dans un premier temps, le « plan de développement des infrastructures »(PDI) porté par le ministre des transports, Francisco Alvarez Cascos, prévoyait la construction de 7 200 kilomètres de lignes AVE entre 2000 et 2007, en débutant par la liaison Madrid-Barcelone. Dans les faits, « seulement » 1035 kilomètres de lignes nouvelles ont été réalisés entre 2003 et 2007 (aucune ligne n’ayant ouverte entre 2000 et 2002) et la ligne Madrid-Barcelone n’a été mise en service dans sa totalité qu’en 2008. En 2004, un nouveau plan va succéder au PDI.

b. Cadre général du PEIT de 2004

La ministre des transports qui succède à monsieur Alvarez Cascos, Magdalena Alvarez (socialiste), a présenté le 23 décembre 2004 un « plan stratégique pour les infrastructures de transports » (PEIT) pour la période 2005-2020. Ce plan a normalement vocation à être réactualisé tous les quatre ans. Son objectif principal, concernant le volet ferroviaire, est de parvenir aux dix milles kilomètres d’AVE en 2020.
Ce macro programme d’investissements de 241,4 milliards d’euros comprend la réalisation de routes de grande capacité, de lignes de chemin de fer, de travaux portuaires et aéroportuaires. Il s’agit de la première grande initiative économique du gouvernement Zapatero, confirmant ainsi la priorité de l’Espagne donnée aux infrastructures de transport.
Le ministère du Fomento a indiqué sa volonté de faire largement appel aux financements privés puisque 40% des investissements de ce plan devraient être réalisés aux travers de mécanismes de partenariat public-privé. De fait, la quasi-totalité des investissements dans le domaine aéroportuaire (à hauteur de 97,8%) et portuaire (à hauteur de 90,3%) devraient faire l’objet de ce type de montages ; 25% des investissements routiers et 18,6% des investissements ferroviaires sont également censés être réalisés sur ce modèle.
Les principaux objectifs du PEIT sont au nombre de quatre (regroupés ci-après en deux parties) : servir de vecteur au développement économique, contribuer à la cohésion sociale et territoriale, veiller au respect de l’environnement et assurer la qualité et la sécurité des services de transport.
Servir de vecteur au développement économique et contribuer à la cohésion sociale et territoriale
Les infrastructures de transport sont un instrument de développement économique et de modernisation du pays, ainsi que d’amélioration de la productivité et de la compétitivité des entreprises. Ces infrastructures doivent également contribuer à la cohésion sociale et territoriale et assurer une équité d’accès aux services publics (éducation, santé…) et aux emplois : 94% de la population doit se situer à moins de 30 kilomètres d’un axe routier de grande capacité et 90% de cette même population doit se trouver à moins de 50 kilomètres d’un réseau ferroviaire de « hautes prestations ». Chaque capitale régionale doit ainsi être desservie par une route à deux fois deux voies et par une voie ferrée de « hautes prestations ». Le nouveau plan doit permettre de passer d’un réseau d’infrastructures radial autour de Madrid à un réseau maillé par la clôture ou la réalisation de grands itinéraires routiers (route de Plata, axe méditerranéen, autoroutes corniche Cantabrique et Saragosse-Teruel-Valence, connexion vallée du Douro-vallée de l’Ebre, réalisation d’un grand pentagone central évitant le passage par Madrid…) et ferroviaires (nouvelle liaison ferroviaire de « hautes prestations » entre la Méditerranée et l’Atlantique : Sagonte-Saragosse-Vitoria). Ces corridors permettent de relier les différentes régions espagnoles sans passer obligatoirement par Madrid.
UIC HIGH SPEED DEPARTEMENT, High speed lines in the world, 14 juin 2009
Veiller au respect de l’environnement et assurer la qualité et la sécurité des services de transport
Une « mobilité durable » doit permettre une diminution de l’impact des transports en termes d’émission de gaz à effet de serre, ainsi que le respect des engagements internationaux. Une meilleure efficacité dans l’usage des transports, ainsi qu’une alternative à la prépondérance actuelle de la route et du transport privé doivent être recherchées. Cela implique plus de transports publics, plus de ferroviaire (voyageurs et marchandises), plus de maritime et de cabotage et plus d’intermodalité en améliorant l’efficacité de la chaîne logistique.
En outre, quelque soit le mode de transport utilisé, il peut être envisageable de créer une agence de la sécurité et de la qualité des services de transport, de la mise en place de plans de maintenance des infrastructures, d’audits externes et d’une charte du droit des usagers.
Sur le plan routier, les objectifs retenus pour contribuer aux objectifs européens concernent l’amélioration de la capacité sur les corridors les plus chargés, la maintenance générale du réseau, mais également la requalification du réseau autoroutier de première génération, l’amélioration de la signalisation et la mise en place de nouvelles technologies de gestion de trafic. Concernant le ferroviaire, l’amélioration de la sécurité se traduit notamment par le programme de suppression des passages à niveau.

c. Une priorité donnée aux transports ferroviaires dans les choix d’investissements

En s’étalant sur une période plus importante que le PDI, le PEIT permet d’élargir les projets de restructuration du réseau ferroviaire aux projets de réaménagement des lignes conventionnelles. Pour Antonio Gonzales Marin, président de l’ADIF, « le PEIT 2005-2020 est un choix clair pour un moyen de transport public de qualité et sûr, qui doit jouer un rôle-clé dans la croissance du pays et le respect de l’environnement ».
Le PEIT, sans apporter d’informations précisent sur des opérations « ciblées », indique toutefois le montant des investissements attribués à chaque moyen de transport. Ainsi, 48,7% sont destinés au transport ferroviaire, 26,8% au transport routier, 9,4% au maritime et 6,3% au secteur aéroportuaire.
Source : Ministère du Fomento, PEIT 2004
Comme indiqué dans le graphique ci-dessus, le PEIT consacre donc près de la moitié des investissements, soit près de 121,1 milliards d’euros, aux investissements en infrastructures de transport ferroviaire.

d. Une place croissante pour le fret ferroviaire

L’élément qui semble le plus novateur de ce plan est le développement de 9000 kilomètres de voies ferroviaires à « hautes prestations » en améliorant principalement les lignes existantes, mais également en réalisant des lignes nouvelles. L’objectif est de parvenir à une meilleure prise en compte du transport de marchandises et à la réalisation de lignes ferroviaires mixtes, confirmant ainsi la volonté du gouvernement espagnol de donner un essor au fret ferroviaire. La vitesse autorisée sur ces lignes n’est pas indiquée, mais elle devrait vraisemblablement être de l’ordre de 250 km/h. Pour exemple, il est prévu la création d’axes mixtes à vitesse élevée entre Madrid et Lisbonne, au niveau du Y basque ou entre Valladolid et Asturies. Ainsi, la priorité des investissements réalisés dans ce cadre n’est plus la réalisation de liaisons voyageurs à grande vitesse, comme c’était le cas dans le PDI, qui donnait notamment la primauté à la réalisation de la ligne Madrid-Saragosse-Barcelone. Cette approche se limite ainsi aux itinéraires suivants : Madrid-Séville/Malaga, Madrid-Saint Jacques de Compostelle, Madrid-Saragosse-Barcelone et Madrid-Valence/Alicante. Selon Magdalena Alvarez Arza, cette politique doit permettre une meilleure utilisation des infrastructures et technologies existantes tout en assurant une meilleure maitrise des financements publics. Comptant également sur les trains à écartement variable, le PEIT s’appuie sur les acquis de la vitesse élevée pour englober dans ses objectifs des lignes à écartement ibérique : à terme, elles doivent devenir des lignes à « hautes prestations » et s’offrir la possibilité d’être mixtes, en acceptant des convois de fret spécialisés. Concernant ce point, le président de l’ADIF affirme que « le plus intéressant n’est pas forcement une vitesse de pointe, mais plutôt la garantie de tenir une bonne vitesse commerciale ».
Un programme d’investissement de 5 milliards d’euros destiné à améliorer d’ici 2013 les performances du système ferroviaire espagnol pour le développement du transport de marchandises est actuellement en cours.

e. Assurer la connexion avec les réseaux ferroviaires européens et français

Le PEIT a également pour objectif le développement de l’interopérabilité avec le réseau ferroviaire européen, notamment en augmentant la longueur du réseau à écartement UIC, qui était au moment de la réalisation du PEIT, de seulement 1000 kilomètres sur les 13 500 kilomètres de la totalité du réseau.
Le PEIT précise également les liaisons routières et ferroviaires trans-pyrénéennes avec le réseau français. Ainsi, concernant les liaisons ferroviaires, deux liaisons mixtes correspondants au « projet prioritaire n°3 du RTE-T », à savoir Vitoria-Irun-Bordeaux et Perpignan-Figueras sont prévues. C’est également le cas de la traversée centrale des Pyrénées aragonaises à partir de Huesca. A ce titre, le PEIT confirme le rapprochement des positions françaises et espagnoles quant à la priorité à donner au fret ferroviaire (et au transport maritime). Néanmoins, le document précise également les divergences quant au processus de choix du tracé de la traversée centrale des Pyrénées entre les Etats espagnols et français, ce dernier tardant à se positionner.
Tirant profit des quelques erreurs commises lors de la réalisation de la ligne Madrid-Saragosse-Lérida , le PEIT de 2004 a donc pour but d’accélérer de manière efficace et réaliste le développement du rail espagnol en s’appuyant sur des expériences réussies telle que Madrid-Séville, mais également sur les bonnes performances de la vitesse élevée pratiquée avec « Euromed » depuis 1997 sur l’axe Alicante-Valence-Barcelone et avec « Alaris » entre Valence et Madrid.

4. Les ambitions du plan d’infrastructures de transports lancé en 2010

a. Continuer les efforts entrepris depuis une vingtaine d’années

L’effort de construction de lignes nouvelles à écartement UIC, l’intégration des tracés existants à écartement ibérique, contribuent à dessiner une Espagne avec non pas deux réseaux aux standards différents, mais plutôt avec une seule trame : la grande vitesse connectée à des lignes à hautes prestations qui absorbent les voies plus anciennes. Ces dernières, même si il en demeurera encore si et là pendant de longues années, se situeront très certainement au niveau de dessertes très spécialisées telles que dans les banlieues de Madrid, Barcelone ou Bilbao. A ce sujet, restent aujourd’hui de nombreux kilomètres de voies métriques exploitées par les Communautés Autonomes.
Annoncé à l’été 2007, le transfert des « services banlieue » de la RENFE à ces communautés trouve ici une certaine pertinence.

b. Développer l’emploi et l’inter modalité

Le ministre des transports espagnol José Blanco a indiqué que l’emploi et la cohésion territoriale étaient une des priorités du plan d’infrastructures de transports. Ainsi, le plan prévoit de développer les réseaux de marchandises et les trains à grande vitesse, tout en créant ou pérennisant des centaines de milliers d’emplois. Comme l’indique le ministre lui-même, « cet investissement devrait créer ou maintenir 400 000 emplois en plus des 500 000 prévus par le budget de l’Etat en 2010 » sur l’ensemble du territoire espagnol.
L’objectif de cette opération est de mettre « tous les territoires et tous les citoyens espagnols sur un pied d’égalité en matière de transports ». Le ministre a notamment évoqué, le 10 janvier 2010, la création de liaisons entre les ports et les voies de transport ferroviaire, de connexion entre ces dernières et les centres de logistique, mais également le développement du réseau des transports en commun régionaux.

c. Un financement assuré par des fonds publics et privés

Le plan a été réalisé en collaboration avec le ministère de l’économie. Son montant est de 15 milliards d’euros et devrait s’ajouter aux 19 milliards d’euros que prévoit d’investir en 2010 l’Etat dans ce domaine . Le lancement officiel et concret des opérations est lui prévu pour le second semestre de l’année 2010. Le plan devrait être financé aussi bien par le secteur public que par des fonds privés, à différentes échelles. De fait, le projet sera en partie financé par « les grandes entités financières espagnoles » comme l’a annoncé le ministre. Le groupe bancaire SANTANDER, entre autres, a déjà affiché son intérêt pour ce grand projet. De plus, la banque européenne d’investissement (BEI) devrait apporter son soutien à hauteur de 50% des 15 milliards d’euros, tout comme l’institut de crédit officiel (ICO) dont la participation devrait atteindre 20% du montant total.

5. Le réseau ferroviaire à grande vitesse espagnol en passe de devenir le plus important d’Europe

A la fin de l’année 2010, si les projets d’infrastructures de LGV ne sont pas trop ralentis de l’autre côté de la chaîne des Pyrénées, notamment à cause de la crise économique, l’Espagne va devenir leader européen du nombre de kilomètres de LGV (2521 kilomètres), passant ainsi devant la France (1961 kilomètres). A l’échelle mondiale, le pays se trouvera alors en situation de dauphin de la Chine qui devrait disposer d’ici 2012 d’un réseau de plus de 10 000 kilomètres.
 
Source: High speed lines in the world (au 14 juin 2009)
Réalisation Eurosud Transport
ECONOSTRUM.INFO, L’Espagne lance en 2010 un plan d’infrastructures de transport ambitieux, 19 janvier 2010
Le graphique ci-dessus illustre clairement la volonté de l’Etat espagnol de développer son réseau de LGV. En effet, ce réseau qui n’a connu que la mise en service de la ligne Madrid-Séville entre 1992 et 2003, soit 471 kilomètres, disposait de près de 1600 kilomètres de lignes en 2009, soit la mise en service de presque 1200 kilomètres de LGV en 6 ans. En 2009, l’Espagne se trouvait alors en seconde position à l’échelle européenne, derrière la France et ses 1937 kilomètres de LGV. Dans l’état actuel des choses, l’Espagne prévoit à l’horizon 2025 un réseau qui devrait dépasser les 5000 kilomètres, alors que la France, devrait elle en avoir un petit peu moins de 5000 à la même date, dépassant très largement l’Allemagne qui arrivera en troisième position avec moins de 2500 kilomètres de LGV.
Actuellement, l’Espagne dispose de 2219 kilomètres de LGV en construction, contre seulement 378 kilomètres pour l’Allemagne et 299 kilomètres pour la France.
 
Source: High speed lines in the world (au 14 juin 2009)
Réalisation Eurosud Transport
Le tableau ci-dessus indique la vitesse à laquelle le réseau LGV espagnol se développe en comparaison de son homologue français, qui a pourtant vue la mise en service de la ligne Paris-Lyon onze ans avant Madrid-Séville. Le réseau LGV français aura mis près de 30 ans pour atteindre les 2000 kilomètres, quand celui de l’Espagne en aura mis seulement 18 et que, comme indiqué précédemment, seule la ligne Madrid-Séville était en service en 2002. C’est donc à partir de 2003 et de la mise en fonctionnement de la ligne Madrid-Saragosse-Huesca/Lérida que tout s’est accéléré pour le réseau espagnol.
Néanmoins, il est nécessaire de rappeler que les retards observés dans la construction de plusieurs lignes en Asturies, Murcie et Galice pourraient remettre en cause l’atteinte rapide de l’objectif espagnol qui est de disposer du réseau LGV le plus développé d’Europe.
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