Toulouse et Montpellier candidates à la mise place de SERM, ex « RER Métropolitain » !

C’est dans une vidéo postée le 27 novembre 2022 que le président de la République a annoncé son projet en matière de SERM : « Pour tenir notre ambition écologique, je veux qu’on se dote d’une grande ambition nationale : dans dix grandes agglomérations, dans dix métropoles françaises, de développer un réseau de RER, un réseau de trains urbains ». A l’époque il n’avait ni précisé les contours exacts de sa vision, ni les villes retenues, mais depuis le projet a gagné en clarté.

Le 23 avril dernier, Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des Transports, a d’ailleurs présenté le calendrier et la méthode qui permettra aux collectivités d’obtenir le statut de « Service express régional métropolitain » (SERM) puisque c’est comme cela qu’ont été rebaptisés les RER métropolitains. La loi actant leur création, elle, a été promulguée le 27 décembre 2023. Toulouse et Montpellier, activement soutenues par la Région Occitanie et les départements de la Haute-Garonne et de l’Hérault, ont fait acte de candidature pour accueillir de tels projets sur leur territoire respectif. Après s’être battues pendant des décennies pour obtenir des lignes à grand vitesse, les collectivités se lancent désormais dans l’aventure complexe des SERM. Détails et explications.

Il était une fois les SERM…

En France, jusqu’à présent quand on évoquait le RER, cela nous renvoyait au réseau qui dessert Paris depuis les années 1970. Composé de 5 lignes, il est le plus fréquenté d’Europe, accueillant jusqu’à 1,3 million de voyageurs par jour. Son succès est né d’une volonté de moderniser et de connecter les lignes suburbaines préexistantes. « C’est la jonction des lignes du RER A et B à la station de Châtelet-Les Halles, qui scelle l’acte de naissance du RER parisien, un mode de transport fiable, interconnecté à des lignes aux fréquences élevées qui en font le concurrent numéro 1 à la voiture » comme le rappelle le journaliste Ugo Thomas pour LVSL, insistant sur le fait que désormais, alors qu’en France, la concentration des populations dans des agglomérations attractives et l’attachement au logement périurbain ont engendré un éloignement entre les lieux de résidence et les pôles d’activité, développer des RER métropolitains apparait comme une réponse aux enjeux liés à l’évolution territoriale. En effet, l’hyper attractivité de certaines métropoles et celle des logements périphériques plus vastes ont généré des déplacements pendulaires de plus en plus longs et fréquents, accroissant les disparités socio-territoriales. Le manque d’alternative à la voiture a conforté cette dernière dans son rang de seule réponse viable à ces besoins en engendrant inéluctablement une augmentation du trafic – et une exacerbation de la pollution – contraignant les utilisateurs de la voiture à passer des heures entières dans les bouchons et à se ruiner en essence.

« La mise en place de RER métropolitains constitue désormais une réponse à ces nouveaux besoins. Le transport ferroviaire est adapté à ce que l’on appelle le mass transit et à l’intermodalité. Il est par ailleurs l’un des modes de transport les plus écologiques. Il a d’ailleurs été adopté dans plusieurs pays étrangers dont l’Allemagne qui a développé des RER autour de ses grandes métropoles » explique ugo Thomas.

Le cadre légal et politique des RER métropolitains rebaptisés SERM

La notion de RER métropolitain est introduite dans un premier rapport du Conseil d’Orientation des Infrastructures (COI) en 2018 puis défini par ce même COI comme « une offre ferroviaire destinée aux voyageurs offrant une fréquence à l’heure de pointe inférieure à 20 minutes et en heure creuse inférieure à 60 minutes ».

Cette notion sera ensuite reprise dans la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) en 2019

En 2020, le gouvernement mandate SNCF Réseau, gestionnaire du réseau ferré national, pour approfondir le concept.

Ces réflexions aboutissent au Schéma directeur sur les étoiles ferroviaires et « services express métropolitains ». Ce document pose les bases du projet : une ossature ferroviaire irriguant un centre urbain, une fréquence élevée, une amplitude horaire étendue, un cadencement des circulations, ainsi qu’une articulation renforcée avec les autres modes de transport.

« La priorité donnée aux transports collectifs du quotidien et l’ambition de développement des services express régionaux métropolitains (SERM) » est confirmée par le Président de la République le 27 novembre 2022 et la Première Ministre, le 24 février 2023, à l’occasion de la remise du second rapport du COI et de l’annonce d’une « nouvelle donne du ferroviaire ». Ce rapport introduit le terme de « Services Express Régionaux Métropolitains » (SERM), qui est désormais utilisé.

Le 25 avril 2023 le député Jean-Marc Zulesi, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, dépose une proposition de loi relative aux SERM afin d’accélérer le développement des projets de SERM. La loi est promulguée le 27 décembre 2023.

« Cette loi facilite la mise en œuvre des SERM en mettant en place des outils à même d’accélérer leur réalisation. Elle définit les SERM et leur périmètre, précise que le statut de SERM sera conféré à un projet par arrêté du ministre chargé des Transports sur la base d’une proposition conjointe et concertée des collectivités locales. Elle prévoit également que ces projets s’appuient sur l’expertise partagée de SNCF Réseau et de la Société des Grands Projets (SGP), en donnant à cette dernière la possibilité d’intervenir de plusieurs manières sur les projets. Cette loi confirme la dimension ferroviaire des SERM qui en constitue l’ossature, tout en encourageant à compléter cette desserte avec d’autres modes utiles au projet » peut-on lire sur le site du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Et puis le 23 avril dernier, Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des Transports, a présenté le calendrier et la méthode qui permettra aux collectivités d’obtenir le statut de « Service express régional métropolitain » (SERM) dans leur territoire.

« La démarche rendue aujourd’hui publique (…) invite les collectivités à bâtir concrètement des projets à l’échelle territoriale afin de proposer une offre de mobilité propre et facile d’accès dans des zones qui en sont encore dépourvues notamment en périphérie des agglomérations » précise le ministre. Une mise en œuvre qualifiée de « partenariale » qui sera rythmée par deux étapes.

Selon le ministère, la première vague de labellisations est prévue d’ici l’été 2024 : « elle se fera sur la base de « dossiers minute » établie par les porteurs de projets qui préciseront l’ambition, les acteurs mobilisés, le périmètre concerné et les orientations stratégiques ».

La deuxième étape réside dans l’obtention du statut SERM qui pourra se faire à partir de la fin d’année 2024, toujours selon le ministre : « les projets les plus avancés pourront avoir accès à ce statut sur la base d’une  » synthèse du dossier » avec les objectifs assignés, la feuille de route pour les atteindre, le plan de financement et la gouvernance pour déployer le choc d’offre ».

Pourquoi des SERM ?

Car ne vous y trompez pas l’objectif est clair : créer une véritable alternative à la voiture, partout autour des villes.

Des objectifs qui ont été précisé notamment sur le site de Vie-publique.fr, Bibliothèque des rapports publics, publications de La Documentation française : « améliorer la qualité des transports du quotidien, notamment par des dessertes plus fréquentes et plus fiables des zones périurbaines, réduire la pollution de l’air, lutter contre « l’auto solisme » (être seul dans sa voiture), le désenclavement des territoires périurbains et ruraux insuffisamment reliés aux centres urbains… ».

Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires insiste : « les projets de SERM s’inscrivent dans le plan d’actions pour la transition écologique. Le secteur des transports représente 31% des émissions de gaz à effet de serre en France. La moitié de ces émissions (51%) sont dues au déplacement des personnes en voiture particulière. Les ménages les plus concernés par cet usage quotidien de la voiture sont avant tout les habitants des couronnes périurbaines, qui utilisent régulièrement ce moyen de transport pour se rendre dans les centres urbains, notamment pour travailler, étudier et commercer. Il y a donc un fort enjeu à développer des solutions de transports alternatives pour ces personnes, efficaces et économiques, afin de faciliter leur mobilité, et d’agir pour le climat et la qualité de vie en réduisant la pollution de l’air ». La France s’est fixée comme objectif dans la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) de réduire les émissions du secteur des transports de 35% d’ici 2030 par rapport à 2019. Les SERM comptent bien y contribuer !

A ce jour l’’idée a séduit une trentaine de territoires, partout en France, si l’on en croit le Ministre délégué chargé des Transports : « Je me félicite de l’enthousiasme que suscitent les services express régionaux métropolitains partout sur le territoire national à en juger par tous les élus qui se rassemblent localement autour de la définition des projets. L’Etat et ses opérateurs seront présents à leurs côtés, quel que soit leur degré d’avancement dans la conception du service express régional métropolitain. Mon but n’est ni d’être procédurier, ni de normer, mais de promouvoir et guider tout ce qui fait un SERM réussi : un périmètre géographique bien défini qui favorise un aménagement équilibré des territoires, une gouvernance réfléchie en amont et des solutions adaptées aux caractéristiques de chaque territoire. »

Toulouse et Montpellier font partie de ces métropoles qui ont fait acte de candidature pour accueillir de tels projets sur leur territoire respectif ! Ici en Occitanie, les bénéfices environnementaux des RER métropolitains font consensus et personne ne veut rater le train des SERM.

Pourquoi Toulouse et Montpellier candidatent au SERM ?

Pour Carole Delga la présidente de la Région Occitanie, l’ambition des RER métropolitains revêt des enjeux multiples.

Tout d’abord des enjeux sociaux tant la hausse du prix des carburants notamment pénalisent les foyers les plus modestes ; puis des enjeux de santé publique et climatiques mais aussi des enjeux économiques et territoriaux.

Pour tout cela et parce que l’aire urbaine de Toulouse gagne environ 20 000 habitants supplémentaires chaque année et que celle de Montpellier enregistre une augmentation annuelle de 11.000 nouveaux habitants, les candidatures aux SERM des 2 métropoles paraissent naturelles. Et Eurosud TEAM, par la voix de son Président Jean Louis Chauzy d’insister : « Ces projets ouvrent la voie à des transformations majeures de nos mobilités du quotidien et à l’aménagement du territoire autour de nos 2 grandes métropoles occitanes. L’intermodalité, nous le répétons depuis des décennies, est la réponse aux grands défis de la mobilité !». La mobilité qui pour Carole Delga « participe à l’idée même de liberté ».

Le RER toulousain plébiscité par la population

A Toulouse la candidature auprès de l’Etat à la mise en place d’un Service Express Régional Métropolitain est plébiscitée par 91% des habitants de la grande aire urbaine toulousaine si l’on en croit un sondage exclusif IFOP réalisé pour la Région à l’occasion des 1ères rencontres Mobilités qui ont eu lieu à l’hôtel de région le 24 janvier dernier.

« Les bouchons sur les routes de la métropole toulousaine, c’est toute la semaine. Cette embolie, les habitants de la grande agglomération comme ceux des territoires périurbains ou ruraux qui l’entourent la subissent. Avec 7000 véhicules de plus par an, le taux de saturation des axes routiers pourrait atteindre 160% d’ici 2030 » y explique dans un édito Carole Delga.

Pour justifier la candidature qu’elle a décidé de porter conjointement avec le Président du Département de la Haute-Garonne Sébastien Vincini, et le Président de la Métropole de Toulouse, Jean Luc Moudenc, elle précise : « L’Occitanie et sa capitale régionale ont une attractivité extraordinaire qui va se poursuivre dans les 30 prochaines années. Ne tombons pas dans des approches restrictives qui forceraient, souvent les moins aisés, les plus éloignés, à limiter les déplacements. Je refuse l’isolement, l’assignation à un territoire comme je refuse l’enfermement dans une classe sociale. Une majorité croissante de Français s’estiment laissés de côté, empêchés, contraints. Pour faire société comme pour s’émanciper, les individus doivent avoir la possibilité d’être reliés, être libre de se déplacer et de penser ».

Les 3 points clefs du RER toulousain

La mise en place du projet toulousain s’articule autour de 3 grandes priorités qui visent à améliorer et décarboner les mobilités du quotidien.

La première : le renforcement de la desserte ferroviaire. La région affirme que l’étoile ferroviaire toulousaine doit devenir l’épine dorsale du système de transport. Pour cela il faut créer des interconnexions avec le métro (Les 2 lignes existantes et la 3ème en cours de réalisation) via des liaisons continues entre Toulouse et sa périphérie.

Avec le SERM l’ambition est de mettre en place un complément d’offres avec un train toutes les 10 minutes aux heures de pointe ; avec un élargissement des plages horaires pour garantir une utilisation tout au long de la journée (De 5H à 23H) ; avec la création de nouvelles haltes sur les lignes déjà existantes, pour assurer une couverture plus importante du service sur le territoire. L’objectif est d’avoir 121 trains supplémentaires d’ici fin 2032, soit un total de 468 trains quotidiens (+35%).

Evidemment des aménagements sont nécessaires mais seront rendus possibles grâce au SERM toulousain qui prévoit également la création de gare terminus aux bornes de l’aire urbaine toulousaine et de points d’interconnexion systématique avec le réseau du métro

La deuxième grande priorité pour améliorer et la décarboner les transports via le SERM c’est l’amélioration de la desserte par autocar. Comment ? En facilitant la circulation des autocars sur les grands axes routiers. Il s’agira donc d’expérimenter des voies dédiées aux autocars/bus et de proposer des navettes de rabattement vers les haltes ferroviaires du SERM. Lors des 1ères rencontres mobilités organisées par la Région Occitanie à Toulouse le 24 janvier dernier, il a été précisé qu’il s’agirait dans un premier temps d’augmenter la fréquence des autocars liO, de prolonger des secteurs en site propre et en créer de nouveaux et de mettre en place une nouvelle offre de cars à haut niveau de service (haute fréquence et ponctualité). La région qui explique qu’en partenariat avec Tisseo, « la création de ligne de bus supplémentaires à destination des habitants qui résident dans les zones les moins bien desservies (…) encouragerait l’accès à l’aire urbaine toulousaine grâce aux transports en commun avec notamment des liaisons directes vers les 3 lignes de métro ».

Enfin la troisième grande priorité pour améliorer et décarboner les transports dans le cadre du SERM est le développement des pôles d’échanges multimodaux (PEM). Les gares se transformeraient en PEM. Y serait installés des équipements et des services visant à rabattre les utilisateurs vers le réseau ferroviaire de manière plus efficace. L’accès vers ces pôles stratégiques serait rendu possible grâce à l’usage du covoiturage, des lignes d’autocars liO mais aussi du vélo. En effet le REV (Réseau Express Vélo) porté par le Conseil Départemental de la Haute-Garonne encourage et facilite ce mode de transport doux vers les gares y compris en zone urbaine. Le département a ainsi lancé la création de 100 kilomètres de Réseaux Express Vélo et de 300 places de covoiturage.

Sur ce point Eurosud TEAM alerte : « Attention avec la dynamisation de nouvelles haltes ferroviaires, il est important que les PEM (pôles d’échanges multimodaux) intègrent certes de nouvelles capacités de stationnement, des bornes de recharge électriques et de la mobilité douce mais aussi – et c’est essentiel – de la logistique urbaine, du micro-fret et du fret. Dans ce SERM il doit impérativement y avoir un volet « marchandise » ou tout du moins un volet « colis » a minima. Arrêtons de penser en silo surtout avec des projets de très long terme aussi importants et coûteux que le SERM. Il faut que le SERM massifie les flux, ce qui le rendra plus rentable ! »

Alors évidemment la mise en place de ce projet va nécessiter des aménagements spécifiques mais la région Occitanie a d’ores et déjà annoncé que sur le volet ferroviaire : « le complément d’offres visant à augmenter la fréquence des trains en heure creuse serait soumis, dans un premier temps, à une phase d’expérimentation courant 2025 ».

« Sur l’axe Nord, le développement de l’offre sera visible dans le cadre des aménagements ferroviaires et de la livraison de la LGV Toulouse-Bordeaux, effectives courant 2031. Ce projet permettra de réaliser une première étape du SERM à l’échelle de l’aire urbaine resserrée (Toulouse-Castelnau-d’Estrétefonds, sur l’axe Toulouse-Montauban). Les travaux sur l’axe Colomiers-Brax seront, quant à eux, livrés en 2028 pour un renforcement des dessertes » explique la Région.

Voilà pour la candidature toulousaine au SERM lancée officiellement le 24 janvier 2024. Celle de Montpellier officialisée par courrier le 29 mars dernier et transmis le même jour au ministre des Transports Patrice Vergriete ne sera présentée dans le détail que courant mai. Ce que l’on sait d’ores et déjà c’est que comme à Toulouse il s’agira de répondre à la demande toujours plus forte des habitants en matière de déplacements.

Le RER montpelliérain présenté en mai

La candidature montpelliéraine est elle aussi portée par Carole Delga, présidente de la Région Occitanie : « Face à un axe ferroviaire saturé sur le littoral, l’amélioration du cadencement et de la ponctualité des trains passe inévitablement par la construction de la phase 1 de la LGV Montpellier-Perpignan (entre Montpellier et Béziers, note), dans le prolongement du Contournement ferroviaire Nîmes-Montpellier en service depuis 2018 », indique le courrier qu’elle cosigne avec Michaël Delafosse, maire de Montpellier et Président de Montpellier Méditerranée Métropole (3M).

« Un certain nombre de projets ferroviaires et intermodaux, indispensables à ce SERM, sont aujourd’hui en travaux, à l’étude ou en passe de l’être. Compte tenu du niveau d’avancement et de la place singulière du mode ferroviaire (doublet de ligne permis par la Ligne Nouvelle Montpellier Perpignan), SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions seront associés à ce projet », peut-on également lire dans ce courrier.

A noter que cette candidature est également portée par Stéphane Rossignol, président de la communauté d’agglomération du Pays de l’Or, François Commeinhes, président de Sète Agglopôle Méditerranée, Pierre Soujol, président de la communauté de Lunel Agglo.

Les premières Rencontres ‘Mobilités urbaines et Territoires’, initialement prévues ce 29 mars, se dérouleront finalement en mai, dans le cadre de la présentation et du dépôt final de cette candidature. Si on n’en sait peu pour le moment donc, INFOCCITANIE explique dans ses colonnes qu’il s’agira de proposer « des transports plus nombreux avec une plus grande amplitude horaire, sur l’axe littoral Sète-Montpellier-Nîmes, tout en se souciant des enjeux environnementaux ».

Un modèle économique à trouver…

Quoiqu’il en soit ces 2 projets posent une question essentielle, celle du financement !

Au niveau national, en juillet 2022, le Président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, demandait 100 milliards d’euros sur 15 ans pour le réseau, dans le but d’augmenter la part modale du transport ferroviaire de 10 à 20%. En octobre de la même année, l’ensemble des présidents de régions ont appelé à un « New Deal ferroviaire » de 100 milliards sur 10 ans. En décembre 2022, le Comité d’Orientation des Infrastructures a recommandé un investissement de 40 milliards supplémentaires sur 20 ans pour la régénération et la modernisation du réseau.
Les besoins d’investissement liés à la mise en place des SERM et à la désaturation des étoiles ferroviaires étaient alors estimés entre 15 à 20 milliards d’euros, dont 11 milliards d’euros pour la période 2023-2042 pour les seuls projets prioritaires.

De son côté le ministère de la transition écologique précisait au moment de la promulgation de la loi que si les SERM s’inscrivent dans une démarche nationale, « il s’agit ainsi en premier lieu de projets locaux ». Une précision qui interpelle notamment quand on parle de financement et cela n’a pas échappé aux collectivités concernées.

« Il faudra 4 milliards d’euros pour les infrastructures et 10 millions par an pour assurer le fonctionnement du seul RER Toulousain ». Un coût que les collectivités affirment ne pas pouvoir assumer. Elles en appellent donc à un investissement massif de l’État. D’autant que « l’Occitanie est toujours la région la moins bien dotée de France, et ce depuis plusieurs années », a rappelé la présidente de la Région.

« Le SERM est un système en soi qu’il va falloir intégrer au sein du réseau ferroviaire existant. Les étoiles ferroviaires de nos grandes métropoles sont déjà saturées. Plusieurs solutions sont envisageables pour y faire face, cependant seule la mise en place de nouvelles infrastructures peut efficacement répondre à l’augmentation prévue du trafic. Dans notre région on ne part pas de rien puisque les aménagements prévus pour accueillir les LGV faciliteront les choses mais l’état ne doit pas se défausser et faire porter le coût de ces nouveaux projets de mobilité qui émanent de l’Etat et qui sont voulus par lui, aux seules collectivités. En toute cohérence, il doit largement y participer financièrement » insiste Jean-Louis Chauzy le Président d’Eurosud TEAM.

Un avis que partage Jean-Luc Moudenc qui déclarait en janvier dernier « L’État a décidé d’impulser cette démarche des SERM, il en a même fait une loi, donc il serait logique qu’il soit « locomotive » du financement ».

De son côté le ministère de l’écologie rappelle que « L’État a déjà investi près de 30 M€ au titre du plan de relance en 2021-2022 pour accélérer la préfiguration de projets ; et il prévoit d’y consacrer près de 800M€ dès 2023 dans le cadre des CPER 2023-2027, afin de financer des études et de premières opérations de travaux (…) Au global les premiers SERM devraient mobiliser plus de 10 Md d’€. L’Etat participe au financement des opérations sur l’infrastructure, aux côtés des collectivités. L’appréciation des dépenses doit aussi intégrer le financement de l’achat de matériel roulant supplémentaire et l’exploitation du service renforcé, à la main des collectivités… » rajoute-t-il.

« J’espère qu’il ne s’agit-là que d’un fonds d’amorçage, parce que sinon, nous sommes loin du compte », avait déploré Carole Delga en janvier dernier. D’où « l’absolue nécessité de demander au gouvernement de donner la priorité à ces projets. Et en particulier celui de Toulouse, qui s’avère être le plus grand de France » avait-elle alors suggéré.

« Qu’au moins, l’État nous permette d’acquérir de nouvelles recettes en déplafonnant le versement mobilité », explique Sébastien Vincini, président du Conseil Départemental de Haute-Garonne. En effet, cette taxe due par les entreprises et destinée à financer les transports en commun est plafonnée à 2% en province. « Le rehaussement du taux de cet impôt à 2,95% permettrait de générer 140 millions d’euros par an, et donnerait ainsi de l’air au projet de RER métropolitain, et même à celui de la 3e ligne de métro à Toulouse qui fait partie de la vision générale de la mobilité locale », précisait-il lors des 1ères rencontres de la mobilité. Une mesure que Jean-Luc Moudenc appelle lui aussi de ses vœux depuis longtemps.
Le 23 avril dernier lors de sa présentation, Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des Transports précisait – comme on peut le lire sur le site du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires : « D’ici la fin de l’été, une conférence nationale de financement se tiendra pour identifier les moyens permettant aux régions et aux autorités organisatrices de la mobilité locale (AOM) de financer cette augmentation de l’offre. »

A ce stade il parait clair que le financement des projets est encore loin d’être finalisé et qu’il pèsera lourd dans les décisions à prendre. A Toulouse comme à Montpellier, les collectivités attendent de prendre connaissance du montant définitif de l’enveloppe de l’État, pour déposer leurs premières propositions conjointes de dossier de candidature.

L’expertise de la société des Grands Projets au service des SERM

Ce que l’on sait en revanche puisque le ministère de la transition l’a rappelé notamment, c’est que « au-delà des subventions publiques, la loi permet le recours à l’emprunt, via l’affectation d’une fiscalité locale dédiée et adaptée à chaque territoire, à l’image du financement des prochaines lignes à grande vitesse ou du financement du Grand Paris Express ».

« La Société des Grands Projets pourrait ainsi être affectataire des recettes fiscales agréées par les collectivités et emprunter sur les marchés. Ses taux d’emprunt sont modérés du fait de son statut d’Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial (EPIC) et ses maturités sont plutôt longues (50 ans et plus), ce qui est gage d’accélération lorsque les projets entrent en phase de réalisation » explique l’Etat qui ajoute « Forte de son expérience de conduite du plus gros projet d’infrastructure de transport en Europe, la Société du Grand Paris apporte une expertise aux SERM, aux côtés du gestionnaire d’infrastructure ferroviaire SNCF Réseau (et sa filiale Gares & Connexions). C’est pourquoi la loi relative au SERM, promulguée le 27 décembre, lui donne la possibilité d’être désignée maître d’ouvrage de nouvelles infrastructures liées aux SERM, et co-financeur des projets si les collectivités le demandent. Elle pourra également participer aux réflexions préparatoires à la définition des projets. A cette occasion, la Société du Grand Paris s’émancipe de son périmètre francilien et change de nom : elle devient la Société des Grands Projets. » précise sur son site internet le ministère de la transition écologique.

La vigilance reste de mise

En conclusion : restons vigilant ! Car même si l’on peut d’ores et déjà affirmer qu’en déposant leurs candidatures auprès de l’Etat à la mise en place d’un Service Express Régional Métropolitain, Toulouse et Montpellier ouvrent une nouvelle page de nos mobilités, il reste cependant – on l’a vu – à régler plusieurs « détails » pour que les collectivités s’y engagent totalement.

Ainsi l’Etat devra – s’il ne veut pas se contenter de créer de l’attente et de la désillusion – prendre sa part pour pouvoir se targuer de participer aux transformations majeures à venir quant aux mobilités du quotidien et à l’aménagement du territoire autour des grandes villes françaises. Promulguer des lois ne suffit parfois pas… à suivre donc !

 

 

 

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